Regroupement de professionnels québécois qui traitent les patients souffrant de troubles de la personnalité.
Notre approche du traitement et de la recherche sur les troubles de personnalité se base sur la compréhension des troubles de la personnalité et, plus spécifiquement, du trouble de personnalité limite (TPL) décrits dans ce site. La psychothérapie focalisée sur le transfert s’ancre dans la théorie psychanalytique contemporaine car nous croyons que la pensée psychanalytique représente un apport précieux en ce qui a trait à la compréhension et au traitement des troubles de la personnalité. Notre approche inclut cependant certaines modifications spécifiques de la technique afin de répondre aux besoins thérapeutiques des patients TPL ou présentant un autre type de trouble de personnalité. Nos patients ne s’étendent pas sur un divan et n’ont pas quatre ou cinq rencontres par semaine tandis que nous, les psychothérapeutes, sommes loin de demeurer silencieux et en retrait lors du processus. Il existe deux croyances que nous partageons avec la plupart des psychanalystes, qui influencent notre travail, et qui distinguent celui-ci d’une psychothérapie cognitivo-comportementale par exemple (comme la thérapie dialectique comportementale ou DBT, un autre type de traitement pour le TPL) :
les « symptômes » qui consistent en des manifestations comportementales observables de tout trouble, s’expliquent de façon significative par des facteurs internes, mentaux ou affectifs, généralement non visibles à l’œil nu, et l’attention portée à ces facteurs ou états internes représente une partie essentielle du processus de traitement;
durant le cours de la psychothérapie, certains des facteurs affectifs influençant les comportements ou symptômes problématiques et qui étaient précédemment nébuleux, tant pour le patient que pour le thérapeute, deviennent limpides pour les deux grâce à leur attention minutieuse mutuelle aux manifestations de la relation thérapeutique, lesquelles incluent le transfert d’images provenant de l’esprit du patient (images dont ils peuvent ne pas être pleinement conscients) sur la personne du thérapeute ou sur d’autres individus dans leur vie.
Débutons donc maintenant ce survol de la TFP à partir de notre compréhension des troubles de la personnalité pour expliquer comment nous conceptualisons le traitement.
En tant que psychothérapeutes spécialisés dans le traitement des troubles de personnalité, le processus qui consiste à partager notre impression diagnostique aux patients et à leur présenter le type de traitement que nous proposons est un aspect qui représente un des plus grands défis de notre travail. Bien que difficile, ce processus appelé « consentement libre et éclairé » est un aspect essentiel et légalement requis faisant partie du début du traitement. Généralement, nous commençons avec une explication du terme. Le terme « trouble de personnalité » peut sembler négatif, c’est pourquoi il est important d’avoir une compréhension claire du sens de celui-ci avec nos patients. Nous expliquons qu’il existe un groupe de troubles mentaux vu comme étant des styles de personnalités stables et persistants qui se définissent essentiellement par des difficultés de la personne au niveau de l’expérience subjective interne de son sentiment d’identité, et des difficultés chroniques dans ses relations interpersonnelles.
Nous expliquons que, si le monde est enrichi par la variété des styles de personnalité qui existent, lorsqu’un individu présente l’un ou l’autre de ces styles de façon extrême et rigide, et de manière à provoquer un certain niveau de détresse au plan affectif et interpersonnel, il présente les critères d’un trouble de personnalité. Nous trouvons utile de résumer le TPL comme étant un trouble comprenant des difficultés dans quatre domaines :
En passant en revue les différents symptômes de TPL que nous avons identifié dans la partie diagnostique complétée avec le patient, nous mentionnons également qu’il existe différents sous-types de TPL, chacun présentant un ensemble de caractéristiques problématiques dominantes différent. Certains individus peuvent être plus impulsifs et colériques de façon explicite et inappropriée tandis que d’autres passent davantage « sous les détecteurs » et sont plus caractérisés par une expérience de vide, des peurs de l’abandon, des pensées suicidaires, et des renversements plus subtils de leur expérience de l’autre, passant de l’idéalisation à une discrète dévalorisation. Nous expliquons donc à chaque patient notre compréhension de ses symptômes TPL et nous questionnons ce dernier afin de savoir si cette compréhension est partagée.
Notre modèle de traitement, le Transference-Focused Psychotherapy (TFP ou psychothérapie focalisée sur le transfert), découle donc logiquement de la compréhension des troubles de personnalité et du TPL décrits dans une autre section de ce site. Cette psychothérapie individuelle bihebdomadaire rassemble plusieurs des éléments décrits dans les guides de bonnes pratiques psychiatriques avec une compréhension profonde des processus mentaux. La TFP présente un mécanisme d’action très différent d’autres modèles de traitement qui tendent à se concentrer sur la réduction des symptômes à travers le contrôle des comportements, l’enseignement d’habiletés et le soutien explicite du thérapeute. Bien que la TFP, comme d’autres modèles, accorde beaucoup d’importance à l’évaluation du patient et à la mise en place du contrat thérapeutique (un accord mutuel sur un ensemble de conditions servant de cadre à la bonne marche du traitement), l’emphase, en TFP, est mis sur le fait d’aider les patients à comprendre les changements dans leur expérience de soi et dans leur expérience des autres, étant donné que cette impression d’identité clivée se manifeste à travers leurs expériences au travail, dans les relations et, de façon importante, dans la relation thérapeutique elle-même.
Le travail en TFP est grossièrement divisé en une phase initiale où s’établit une structure pour le traitement qui inclut la mise en place de limites reliées aux comportements destructeurs du patient, et une phase plus longue d’exploration de l’esprit du patient et de son sentiment d’identité. Dans la réalité cependant, ces deux phases se chevauchent étant donné que l’observation et l’exploration sont présents dès le début et que la mise en place de limites peut se poursuivre jusqu’à un stade avancé dans le traitement.
Après avoir confirmé le diagnostic, le thérapeute et le patient travaillent à identifier les facteurs qui, dans la vie de ce dernier, peuvent interférer avec la bonne marche et la constance du traitement. Chacun des facteurs tels qu’un abus ou une dépendance aux substances, une mauvaise utilisation chronique de la médication, un trouble sévère des conduites alimentaires, de l’auto-mutilation ou des comportements suicidaires constituent non seulement une menace à la sécurité et au bien-être du patient mais également à la thérapie elle-même, ce qui fait qu’ils doivent être contenus afin que le thérapeute et le patient puissent travailler en TFP. Au moment où certaines thérapies fournissent un soutien concret au patient, lorsque ce dernier s’engage dans l’un ou l’autre de ces comportements, la TFP fonctionne différemment. En TFP, nous présumons que le patient peut généralement se responsabiliser face à ces comportements, parfois avec l’aide d’autres interventions comme joindre les Alcooliques Anonymes ou un groupe de soutien pour les troubles des conduites alimentaires, ou dans d’autres cas simplement avec un accord sur la façon avec laquelle l’envie de se suicider et les comportements auto-mutilatoires seront gérés. Notre compréhension est que le patient vit un conflit avec ces envies et qu’il peut essayer de maintenir et de renforcer le côté qui le retient de passer à l’acte.
Pendant que les symptômes comportementaux du trouble de personnalité sont contenus par la discussion sur le contrat thérapeutique et les limites mises en place par celui-ci, la structure psychologique que nous croyons être au centre du trouble est observée et comprise au fur et à mesure de son déploiement dans le transfert, c’est-à-dire la relation avec le thérapeute telle que perçue par le patient. La focalisation du traitement se situe sur les difficultés de ce dernier à tolérer et à intégrer des images disparates de soi et des autres et sur les malentendus qui surgissent lorsque le patient comprend, à tort, que des aspects de ses propres sentiments qui sont difficiles à reconnaître proviennent de l’autre personne.
Même si nous appelons notre traitement « psychothérapie focalisée sur le transfert » à cause de l’aspect central de l’exploration de l’expérience de soi et des autres du patient à travers l’observation de son expérience du thérapeute et de la thérapie, le traitement se concentre aussi sur les difficultés du patient au travail et dans ses relations à l’extérieur de la thérapie. Ces sphères de la vie du patient sont aussi des domaines où, en plus des progrès dans le sentiment de soi, nous observerons les bénéfices du traitement. L’attention du thérapeute est cependant ultimement dirigée vers le transfert parce que nous croyons que l’observation de l’expérience continuelle qu’a le patient du thérapeute permet l’accès le plus direct à la compréhension du monde interne du patient. Pendant que les représentations non-intégrées de soi et des autres sont mises en acte dans la vie du patient et dans la relation thérapeutique elle-même (souvent accompagnées par une intense expérience émotionnelle) le thérapeute aide le patient à contenir ses émotions, observe les représentations et arrive à comprendre les raisons, les souhaits, les peurs et les angoisses qui sous-tendent la séparation continuelle de ces fragments d’expérience de soi et des autres. Le thérapeute aide aussi le patient à observer les changements dans l’expérience dominante du soi en utilisant des techniques thérapeutiques qui incluent :
Par exemple, lorsqu’un patient soumis adopte soudainement une attitude hostile et mécontente, le thérapeute peut commencer en demandant : « Avez-vous remarqué un changement dans vos sentiments? ». Le thérapeute pourrait continuer ainsi : « Voyons si nous pouvons comprendre ce que vous éprouviez face à moi au moment même où votre sentiment a changé ici, et comment la façon de vous voir vous-même a pu aussi changer à ce moment précis ». À travers ce genre de travail de « détective » (nous utilisons parfois l’image du détective Columbo explorant tranquillement et calmement les évidences), nous pouvons commencer à rendre plus concret le monde des représentations internes de soi et des autres du patient, à retracer les changements (habituellement soudains et volatiles) entre différentes expériences de soi du patient, et ultimement aider ce dernier à développer une attitude plus réflexive face à sa vie affective.